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louisdoazan

Big Wall en Colombie-Partie 3-L'ascension


Les Cabanas Kanwara


Nous voilà de retour aux Cabanas Kanwara. Le plan: commencer à marcher le lendemain matin. Bivouaquer puis reprendre la marche. Nous prévoyons d'arriver en milieu de journée du deuxième jour au pied de la moraine qui donne accès à la face Est du Ritacuba Blanco. C'est là que nous retrouverons Antonio qui fera à cheval et dans la journée l'aller retour entre les Cabanas Kanwara et le pied du Ritacuba Blanco. Nous remplirons l'eau pour trois jours dans le lac, puis remonterons à pied chargés de notre matériel cette terrible moraine pour grimper les deux premières longueurs et atteindre la vire du premier bivouac.


Antonio, notre muletier


Je fais une parenthèse sur le matériel. Nous sommes en 2012, du matériel de haute technologie existe déjà. Je pense par exemple à de beaux sacs de hissage, à des réchauds ultraperformants, des vêtements de qualité et j'en passe. A cette époque là, nous ne voyons pas l'intérêt d'investir dans tout cet équipement onéreux. Nous préférons largement la récup et le bricolage, c'est pourquoi nous nous équipons avec entre autre:

-un sac de hissage fabriqué par Polo à l'aide d'une bâche d'accrobranche, de vieux baudriers (pour les bretelles) et de quelques centaines de rivets pour assembler le tout. Résultat: grande contenance mais quasi importable.

-des crampons de années 70 (simond makalu #vintage), ainsi que des piolets sortis tout droit de chez Joe la brocante.

-Niveau fringue, j'ai opté pour la qualité thermique et les propriétés respirantes d'un vieux jogging Nike. Pour le haut un panel multicouche de polaires Decathlon.

-Faute de place, Polo et moi sacrifierons (bêtement?) un atout confort non négligeable: Nos sacs de couchage, au profit de deux nuits à grelotter dans le sac de hissage...

-Par contre tout le monde emmène son livre pour na pas s'ennuyer le soir venu...what the fuck?


Le sac de hissage...


Je ferme la parenthèse pour retourner aux cabanas Kanwara où nous venons d'arriver. Nous nous empressons d'étaler notre matériel partout. Si bien, qu'un groupe d'élèves de Lycée accompagné de guides qui rentrent tous d'un séjour sur le glacier embarquent par inadvertance nos cordes dans leur bus de retour. Nous nous rendons compte de la disparition des cordes au dernier moment. Le car s'apprête à partir quand nous nous élançons vers lui. Finalement, nous récupérons nos cordes. A quelques minutes près nous prenions un des plus beaux buts matos de notre vie!


Arrive le matin du départ, Antonio récupère le matériel, nos sacs sont plutôt légers. Le soir après la marche nous bivouaquons sous un bloc, avec un petit feu. C'est la dernière nuit que je passe dans mon duvet, j’essaie d'en profiter!


Dernier bivouac au sol avant quelques jours


Le lendemain, il nous reste à passer un col bien raide. J'ai le ventre en vrac et figurez vous que je me fais dessus en marchant! Je me retrouve à me laver et à laver mon unique slip dans la rivière, j'espère qu'il aura le temps de sécher d'ici ce soir! C'est donc la tête pleine d'incertitude et les fesses prores que nous nous retrouvons au pied du Ritacuba Blanco à attendre Antonio que nous voyons arriver au loin. A son arrivée, nous bouclons les sacs et faisons le plein d'eau. Polo et moi disons au revoir à nos duvets en même temps qu'à Antonio. Nous commençons à marcher en direction de la moraine.


Préparation des sacs


Les marécages à traverser chargés comme des mulets


On marche en fait dans un immense marécage de mousse, on croise des piscines magnifiques remplies d'une eau incroyablement limpide. Par contre à chaque pas c'est l'incertitude, le sol va-t-il se dérober sous nos pieds ? Après plusieurs avertissements, je finis par m'enfoncer dans la boue jusqu'au genoux. Le poids du sac me déséquilibre et je tombe en avant. Je me retrouve donc à quatre pattes, dans la boue et peine à me relever. La sentence: je suis trempé. Moi qui me faisais du souci pour mon slip mouillé, maintenant c'est chaussures, chaussettes, pantalons et T-shirt qui sont trempés!


Las piscinetas vues d'en haut


En fin de journée nous sommes enfin au pied de la voie. Le vent souffle, la face est plongée dans l'ombre, je suis couvert de boue et encore bien humide. Nous avons deux longueurs à grimper pour rejoindre une vire de bivouac. Polo s'élance le premier. Moko et moi suivons. Malgré sa grande contenance le sac de hissage n'est pas suffisant et nous grimpons avec des sacs bien lourds sur le dos en second. Franchement, en y repensant aujourd'hui je ne sais pas comment on s'est débrouillé pour être aussi chargés, et ce en sacrifiant nos duvets!


Première longueur


On arrive finalement au bivouac, une vaste vire sous de gros surplombs par lesquels il faudra passer le lendemain. La nuit sans duvet tient sa promesse, on se gèle, on dort peu. Le lendemain heureusement le soleil réchauffe vite la paroi mais pour quelques heures seulement. Il nous reste trois longueurs pour arriver au pied du headwall. Puis six autres pour arriver au second bivouac. L'escalade est très raide, cela ressemble à Ordesa en Espagne: des dièdres, des toits, c'est génial à grimper en trad. Hisser le sac nous demande autant d'énergie que de grimper les longueurs. Nous nous faisons surprendre par les difficultés dans certaines longueurs pourtant cotées 6a, et déroulons dans d'autres en 6c. Mais les longueurs à partir de 6c+ nous demandent un véritable effort. Il ne faut pas oublier que le pied de la voie est à 4400 mètre d'altitude. C'est bien plus haut que l'altitude de la paroi des Toits dans les Calanques!


galerie Slideshow



Une bonne journée plus tard nous voilà au second bivouac. On est bien réglés, eau qui bout dans notre réchaud à essence, lyophs engloutis, et on s'allonge les pieds dans les sacs. Il fait encore plus froid, on allume même le réchaud par moment pour se réchauffer les pieds!


Alpinistes au bivouac ou clochards sous un pont?


Au petit matin, il nous reste quatre longueurs dont trois en 7a/b. C'est encore plus raide que la veille, encore plus beau. En début d'après-midi on est sorti des difficultés techniques. On refait les sacs pour se répartir le matos qu'on ne pourra plus hisser, on quitte les chaussons et enfilons nos grosses. Il nous reste 400 mètres alternant crapahutage et ressauts plus raides ainsi qu'un peu de mixte à la fin. Les sacs sont bien lourds et notre manque d'expérience dans ce terrain se fait vite sentir. Le temps passe et nous n’avançons pas très vite. C'est l'errance en fin d'après-midi, on remonte une pente de neige bien raide avant que la nuit tombe. Je ne me souviens plus vraiment des dernières longueurs. Mais en gros la nuit tombe vers 18h30 et nous arrivons finalement au sommet vers 21h30...assoifés, affamés, fatigués mais tellement heureux! Nous descendons prudemment le champignon sommital, sautons la rimaye et prenons pied sur le glacier. Moko veut s’arrêter là et dormir. L'idée est séduisante...quand on a un duvet. Polo et moi, nous ne sommes pas chauds du tout (c'est le cas de le dire). On est gelés, on veut descendre mais Moko n'en démord pas, il veut rester là. Soit, on trie rapidement le matériel et on le laisse à son bivouac improvisé. Polo et moi continuons la descente, parfois on traîne derrière nous le sac de hissage tellement on en a marre de le porter. On ne compte plus les heures qui passent, parfois on s’arrête, on s'endort à moitié puis le froid nous réveille et on reprend notre marche. Nous arrivons finalement aux Cabanas Kanwara au petit jour.


Une des dernières longueurs dures


Haut dans la face


Sommet!


On se retrouve à attendre Moko, on se fait un peu de soucis pour lui. On avait tellement froid la veille qu'on se demande bien comment cela a pu se passer pour lui. Il nous rejoint finalement en milieu de journée. Il n'a pas eu froid, a bien dormi et a fait de belles photos au lever de soleil. Nous passons la journée à boire et manger. Pour rentrer dans la vallée, des gens nous ont dit qu'un car devait partir en fin de journée. Ce car est censé ramener en vallée un groupe de travailleurs qui aménagent en ce moment une passerelle ou je ne sais quoi dans la montagne.


La boucle est bouclée, quelqu'un s'est caché dans le matos, saurez vous le trouver?


En fin d'après-midi on se place donc au carrefour indiqué et l'attente commence...deux heures passent, on s'avance sur la route en direction du bus, visiblement les travailleurs ne sont pas encore là. La nuit tombe, on lance une soupe. Il fait noir depuis longtemps quand on entend enfin un moteur gronder dans la nuit. On se lève, on se prépare, le bus devrait arriver d'une minute à l'autre. Il roule plus doucement que prévu mais finit quand même par arriver. On lui fait signe, mais il ne s’arrête pas et continue sa route. On lui court derrière, Polo s’agrippe à l’échelle et monte sur le toit, on lui jette les sacs, on court toujours, la portière est ouverte on saute à l'intérieur. Là le bus fonce dans le fossé et s’arrête enfin. Le chauffeur nous explique qu'il n'y a plus de frein et que continuer de conduire ce car est trop dangereux. On se retrouve donc à marcher avec tous les passagers du bus sur la route dans la nuit. Nos sacs sont restés dans le bus sans frein qui continue le trajet à vide. On ne sait pas où on va, les passagers du bus nous offrent des bières, de l'aguardiente et des clopes, l'ambiance est plutôt cool même si on commence à en avoir vraiment marre de marcher!

Finalement nous rejoignons un autre bus, on arrive in extremis à récupérer nos sacs, et on nous débarque tard dans la nuit à El Cocuy. Polo et moi n'avons pas dormi depuis 40 heures.

Quelques jours de repos nous serons nécessaires avant de repartir pour notre tentative d'ouverture.


On attend le bus


Le bus


On attend toujours le bus


Moko se réveille, derrière lui le sommet atteint la veille au soir.

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